vendredi 17 juin 2011

La nature : une promenade en forêt,ou une prise de conscience d'une certaine manière d'évoquer ses propres réflexions et ses relations avec le monde .

UN MATIN


Poésie de Emile Verhaeren ( 1855-1916 )



Dès le matin,par mes grand'routes coutumières (prises, empruntées d'ordinaire)
Qui traversent champs et vergers,
Je suis parti clair et léger,
Le corps enveloppé de vent et de lumière .


Je vais, je ne sais où. Je vais,je suis heureux ;
C'est fête et joie en ma poitrine ;
Que m'importent droits et doctrines , (les contraintes, entraves à la liberté; ne me pèsent pas, ne rentrent pas en ligne de compte)
Le caillou sonne et luit sous mes talons poudreux ;


Je marche avec l'orgueil d'aimer l'air et la terre,
D'être immense et d'être fou (dans mes rêves,mon imagination,mes projets ...)
Et de mêler le monde et tout
A cet enivrement de vie élémentaire .

Oh ! les pas voyageurs et clairs des anciens dieux !
Je m'enfouis dans l'herbe sombre
Où les chênes versent leurs ombres
Et je baise les fleurs sur leurs bouches de feu .

Les bras fluides et doux des rivières n'accueillent ;
Je me repose et je repars (errer , aller à l'aventure sans but précis ; se manifester çà et là)
Avec mon guide,le hasard,
Par des sentiers sous bois dont je mâche les feuilles .

Il me semble jusqu'à ce jour n'avoir vécu
Que pour mourir et non pour vivre :
Oh ! quels tombeaux creusent les livres (influences des écrits dans lesquels les meilleurs esprits indépendants se "plongent " )
Et que de fronts armés y descendent vaincus !

Dites, est-il vrai qu'hier il existât des choses,
Et que des yeux quotidiens
Aient regardé, avant les miens ,
Se pavoiser les fruit et s'exalter les roses !

Pour la première fois, je vois les vents vermeils
Briller dans la mer des branchages (le vent,en faisant onduler les cimes des arbres, provoque cette impression de houle de la mer ...)
Mon âme humaine n'a point d'âge ;
Tout est jeune, tout est nouveau sous le soleil .

J'aime mes yeux,mes bras,mes mains,ma chair,mon torse
Et mes cheveux amples et blonds
Et je voudrais,par mes poumons,
Boire l'espace entier pour en gonfler ma force (accaparer, retenir en totalité pour soi seul).

Oh ! ces marches à travers bois, plaines,fossés,
Où l'être chante et pleure et crie
Et se dépense avec furie
Et s'enivre de soi ainsi qu'un insensé (se grise, s'enthousiasme, s'exalte, s'emplit d'une sorte d'ivresse des sens, d'une émotion très vive) !

Bien à vous, après ce long silence lié à l'état de santé de ma compagne de toujours, Gerboise et Esiobreg .