lundi 16 août 2010

Significations des mots, observation et description des choses matérielles et des êtres vivants en relation avec notre personnalité .





Dans le précédent et premier billet de ce nouveau blog Esiobreg , nous avons présenté l'Homme qui , parmi les premiers Éditeurs d'ouvrages de pédagogie destinés à l'enfance, a joué un rôle considérable : il s'agit , nous l'avons vu, de P.-J. Hetzel .

Dans ce deuxième billet , suite d'un avant propos commencé le 24 Juillet 2010 , nous allons présenter un texte qui nous permettra de faire comprendre la place , la nature et le rôle de l'enfant, mais également celui de l'éducateur et des parents dans la formation de celui qui, sera plus tard, un adulte opérationnel (propre à atteindre un résultat ; qui est adapté à la société dans laquelle il devra évoluer) ou non . Il s'agit d'un extrait du livre publié en 1909 par l'éditeur Ernest Flammarion dans sa Bibliothèque de Philosophie Scientifique : Les idées modernes sur les enfants dont l'auteur est Alfred BINET [ physiologiste et psychologue français, 1857-1911, élève de Jean Martin Charcot Professeur à l'hôpital de la Salpêtrière, 1825-1936] , à l'époque directeur de laboratoire des Hautes Études à la Sorbonne, à Paris .
Voici une partie de ce texte réaliste ...... et rempli de vérités ; débordant de constatations très instructives concernant le caractère spécifique des enfants révélé par leur façon de s'exprimer par écrit.

" Quelques portraits intellectuels "

" ... Nous avons montré, dans la section précédente, qu'il existe plusieurs méthodes de travail, qui sont très différentes . Ce n'est pas la seule manifestation dans laquelle les esprits expriment leurs différences ; les différences de mentalité se traduisent aussi par leur différence de contenu .On s'en aperçoit si l'on fait faire à des enfants ces sortes de devoirs où ils sont obligés de donner un peu d'eux-mêmes,

au lieu de reproduire simplement, en échos fidèles, la substance de ce que l'on leur a appris .

La rédaction (mais surtout la description d'objets,mais également des observations d'expériences, de phénomènes, ou d'êtres vivants) est certainement un des meilleurs moyens de connaître un fond d'esprit, à la condition, bien entendu, qu'on sache comment il faut la donner et comment il faut l'interpréter .

Je propose aux maîtres qui se plaisent à ces études de donner des sujets de rédactions ayant pour but le récit d'un événement réel, par exemple le compte rendu d'une promenade, d'un dîner, d'un voyage, d'une fête de famille ;on donnera aussi des rédactions ayant pour but de décrire un objet présent, un corps matériel, par exemple, une fleur, un porte-plume, un sou,"

[la description des étapes de la formation d'un glaçon dans le friseur d'un réfrigérateur et de ses aspects successifs, ce que nous vous proposerons de réaliser effectivement à la fin de ce billet]

" ou bien toute une scène, par exemple, une gravure intéressante et sans légende ."

Telle cette scène ci-dessous que Esiobreg vous propose





( vous pouvez agrandir l'image ci-dessus par un clic gauche ; puis revenir à la page précédente pour poursuivre votre lecture)

" On donnera aussi des rédactions destinées à surprendre le travail d'invention ; on fera imaginer une histoire une histoire autour d'un thème dicté, par exemple la mort d'un chien, et enfin on pourra terminer toute cette série d'épreuves en faisant développer une pensée morale, une règle de conduite, par exemple cette vérité abstraite : Pourquoi on ne doit pas se mettre en colère, ou bien un problème moral mis sous une forme d'anecdote : Un enfant a commis tel acte répréhensible . Si vous étiez son père que feriez-vous ?

Si on a la patience de dicter ces devoirs de rédaction à une trentaine d'enfants, et si on a surtout la patience d'analyser toutes les copies, on sera surpris de la variété qui s'y manifeste . Variété d'abord dans les écritures, puis dans la forme ; ici le développement a quatre lignes, là il couvre quatre pages . Le vocabulaire aussi est différent : ici ce sont surtout des substantifs ( tout nom qui désigne un être, une chose, une idée qui est l'objet de notre pensée ; le nom c'est la substance, donc la " substance moelle " de la phrase, si l'on reprend la célèbre expression de Rabelais : une formule que le père de Gargantua et de Pantagruel utilisa avec bonheur pour définir ce qu'il y a de plus riche en substance dans un écrit ...) ; ailleurs il y a plus d'adjectifs ou plus de verbes ; les mots d'une copie sont d'un style familier et grossier ; d'autres de race ( distinction ) plus noble , de sens plus abstrait .

Après le vocabulaire, la syntaxe ( arrangement des mots dans une proposition et des propositions dans la phrase selon les règles de la grammaire ; règles de l'arrangement des mots et de la construction des phrases ; " je crois que le premier peuple du monde est celui qui a la meilleure syntaxe. Il arrive souvent que des hommes s'entr'égorgent pour des mots qu'ils n'entendent {qu'ils ne comprennent } pas [ Anatole France] ) : certaines phrases sont courtes, réduites à des propositions simples, s'accrochant avec des conjonctions ou des locutions élémentaires, comme et, et puis, et après, et alors ; ailleurs apparaissent des car, des donc, des lorsque, des puisque qui montrent que les relations d'idées deviennent plus complexes . Et en même temps ce sont des propositions subordonnées qui s'ajoutent à la proposition principale qui la compliquent . Toute cette différenciation de grammaire et de vocabulaire est en relation étroite avec l'évolution mentale des enfants et on pourrait deviner leur âge par la syntaxe qu'ils emploient .

Mais, même entre les enfants d'âge égal, on trouve de ces différences, et elles sont dues aux causes les plus diverses : au degré d'intelligence de l'enfant, au milieu qu'il fréquente, et aussi au type mental qui est le sien .

Mais poussons plus loin notre analyse et, après avoir examiné ce qui constitue le contenant de la rédaction, voyons-en le contenu . Que de variétés encore ! Que de distinctions à faire ! C'est une occasion admirable pour acquérir le sentiment que chaque enfant possède déjà son individualité . En voici un qui, dans le récit d'une fête foraine, ne sait que faire l'énumération de tous les objets qu'il a vus ; il les note sans ordre, sans description aucune : " J'ai vu ceci, cela ... des chevaux, des voitures, des clowns, des animaux ..., " Un autre enfant se place à un point de vue bien différent : il raconte ce qu'il a fait ; il donne une série d'actions personnelles, en suivant à peu près l'ordre chronologique ; c'est toujours de lui qu'il parle (ainsi que Montaigne dans ses essais) ; il dit : " J'ai vu, je suis allé, j'ai mangé, j'ai bu, je suis monté sur les chevaux de bois ; après, j'ai fait ceci ... ; etc. " Il est comme le centre du monde . Un autre commence à décrire les objets extérieurs ; il est frappé de leurs couleurs et de leur formes ; il les peint, il les compare à d'autres, il a des métaphores qui prouvent avec quel intérêt il les a regardés : " Les chiens étaient de telle façon ; les perroquets avaient telle couleur " ; les comparaisons et les qualifications abondent .

Un autre fait de l'érudition : il coud à sa description des notions apprises en classe, il explique, il fait la leçon .
Un autre cherche un sens à la scène dont il a été le témoin, il fait effort pour deviner ce qui s'est passé dans l'âme des personnages, il dit pourquoi on est allé à tel endroit, ce qu'on y cherchait, ou bien il établit une relation, une logique entre les différents faits qu'il a perçus .
Un autre encore prend une attitude moins objective que les précédentes ; il juge, il apprécie, il donne son sentiment, il trouve la fête gaie, ou triste, ou bruyante ; il admire les chevaux et les voitures ; s'il s'agit d'une gravure, il déplore le malheur d'un personnage, il se montre pénétré d'émotion ; c'est charmant ; mais il faut un peu se méfier de la sincérité des rédactions ; ceux qui s'émeuvent le plus dans leurs rédactions ne sont pas toujours des enfants qui ont bon cœur ; déjà dès l'école on peut dire que " ce n'est là que de la littérature " .

Je ne puis actuellement traiter dans son ensemble ce vaste sujet de la classification des types mentaux . La question est encore trop neuve, trop peu étudiée ; mais je vais attacher un moment l'attention du lecteur sur deux types différents d'idéation qu'on rencontre constamment, si on prend la peine de les chercher, dans une classe d'enfants .

Je parlerai de ces deux types particuliers, parce que je crois les bien connaître ; mais il doit être bien entendu que ce ne sont point les seuls qui existent et qu'ils ne peuvent pas servir de base à une classification générale .

Ces deux types peuvent être désignés de noms divers, qui ne sont jamais complètement exacts ; on peut appeler l'un l'objectif, et l'autre le subjectif, mais ces expressions sont un peu vagues .

Le premier mérite aussi le nom d'observateur, et le second celui d'interprétateur ou d'imaginatif .

On peut dire aussi du premier qu'il est réaliste, positif, et du second qu'il est rêveur, contemplatif .

Toutes ces différences se ramènent à une distinction fondamentale dont il faut bien prendre conscience .

Nous nous trouvons, par notre nature même, en quelque sorte à califourchon (expression imagée :être situé entre deux domaines ; à cheval, en étant assis, comme sur une monture , les jambes de part et d'autre de la selle ) entre deux mondes : le monde extérieur, composé d'objets matériels et d'événements physiques, et le monde intérieur, composé de pensées et de sentiments .

Suivant les moments et les besoins, nous faisons d'une manière plus exclusive de l'introspection ( application réfléchie de la conscience à elle-même pour observer ses états et ses actes) ou de l'extrospection ( caractérise les procédés d'observation psychologique objectifs qui ne font pas appel à la conscience mais aux sens) .

Tantôt nous avons besoin de savoir ce qui ce produit autour de nous, tantôt nous cherchons à nous replier sur nous-mêmes pour réfléchir .

Regardez attentivement comment vit un individu, vous le verrez passer de temps en temps de l'attitude d'observateur extérieur à celle de songeur .

Mais nous n'avons pas tous les mêmes habitudes, les mêmes goûts, ni surtout le même tempérament .

Certains d'entre nous sont plutôt portés vers le monde extérieur, d'autres vers le monde interne . C'est ce qui constitue, dans les sciences par exemple, les deux grandes familles d'observateurs et de théoriciens ; ce sont deux grandes familles ennemies, qui ne savent jamais se rendre justice l'une à l'autre ; pour les théoriciens, l'observateur exclusif se dépense à recueillir des faits exacts, mais sans intérêt, ce qui est en partie vrai ; pour les observateurs, les théoriciens perdent leur temps à inventer des interprétations intéressantes, mais inexactes, et cela aussi est en partie vrai .

Il est évident que ces deux tendances d'esprit sont incomplètes,fragmentaires ; il faudrait, non pas seulement les faire coexister et être à la fois observateur et interprétateur , mais encore les souder, être interprétateur de ce qu'on a observé, ou observateur dans le sens de ce qu'on interprète .

Pour prendre une image matérielle, l'idéal d'un savant complet n'est point d'avoir à la fois une vis et un écrou, mais un écrou adapté à la vis .

Il n'est pas difficile de démêler chez de jeunes enfants des dispositions naissantes vers l'observation externe ou vers l'introspection ; mais ce ne sont point là des analyses qu'on fait commodément dans les écoles ; les écoliers nous y sont trop peu, trop mal connu individuellement ; on ne fait sur eux que des constatations bien superficielles . Il faut avoir fait ailleurs la psychologie des types intellectuels pour être en mesure de la retrouver chez les écoliers . Le hasard a voulu que dans ma propre famille, il y a quelques années, j'ai trouvé deux fillettes qui présentaient, dans une opposition intéressante , le type de l'observation et celui de l'interprétation . Ces deux fillettes étaient presque du même âge, elles avaient onze ans et douze ans et demi à cette époque, elles recevaient intégralement l'instruction dans leur famille, et elles étaient ainsi soumises à des influences extérieures qui étaient aussi pareilles qu'on puisse le souhaiter ; par conséquent, les différences mentales qui les séparaient étaient bien dues à leur nature propre . J'ajouterai que j'ai pu les étudier pendant plusieurs années, tous les jours, faire avec elles un nombre immense d'expériences, qui étaient contrôlées par des observations directes de leurs parents et de moi-même ; et c'est là que pour la première fois je me suis convaincu que la méthode des tests, pour analyser les esprits, est une méthode remarquable ; il est vrai que j'ai pu l'employer à fond et que je ne me suis jamais contenté d'une réponse douteuse ou d'un résultat équivoque .

C'est d'abord dans les descriptions d'objets que Marguerite, l'aînée des deux fillettes, atteste sa tournure observatrice . On prie les deux sœurs de décrire - on n'emploie pas d'autres expressions - un petit objet qu'on leur montre ; on ajoute que la description doit être faite par écrit, et constamment on obtient de Marguerite une description du genre suivant :

Description d'une feuille de marronnier par Marguerite ( Durée : 11 minutes 15 secondes) .

~ La feuille que j'ai sous les yeux est une feuille de marronnier cueillie en automne, car les folioles sont presque toutes jaunes, à l'exception de deux, et une est à moitié vert et jaune . ~Cette feuille est une feuille composée de sept folioles se rattachant à un centre qui se termine par la tige nommée pétiole, qui supporte la feuille sur l'arbre . ~Les folioles ne sont pas toutes de la même grandeur ; sur sept, quatre sont beaucoup plus petites que les trois autres . ~Le marronnier est un dicotylédone, l'on peut s'en apercevoir en regardant la feuille, elle a des nervures ramifiées . ~En plusieurs endroits, la feuille est tachée de points de couleur rouille, une de ces folioles a un trou . ~Je ne sais plus que dire de cette feuille de marronnier . ~

Description exacte, méticuleuse, sèche, abondante, avec des traces d'érudition .

Voici la description d'Armande, la cadette, faite le même jour et avec la même feuille :

Description d'une feuille de marronnier par Armande ( Durée : 8 minutes) .

~C'est une feuille de marronnier qui vient de tomber languissamment sous le vent de l'automne . ~La feuille est jaune, mais encore raide et droite, peut-être reste-t-il un peu de vigueur de cette mourante ! ~Quelques traces de sa couleur verte d'autrefois sont encore empreintes sur les feuilles, mais le jaune domine : une bordure brune et rougeâtre en orne le contour . ~Les sept feuilles sont toutes fort belles encore, la tige verdâtre ne s'en est point détachée . ~Pauvre feuille, maintenant destinée à voler sur les chemins puis à pourrir, entassée sur bien d'autres . Elle est morte aujourd'hui ... et elle vivait hier ! Hier, suspendue à la branche, elle attendait le coup fatal qui devait l'enlever ; comme une personne mourante qui attend son dernier supplice . ~Ma feuille ne sentait pas son danger, et elle est tombée doucement sur le sol . ~

Armande, la sœur cadette, a écrit plus rapidement que sa sœur, elle a été moins inspirée par l'objet ; elle donne moins de détails matériels que Marguerite, et les détails qu'elle note sont subordonnés à une impression générale d'émotion, produite par l'idée que la feuille d'automne va mourir .

Des dizaines de descriptions d'objets, faites par les deux sœurs, ont toujours montré la même différence : du détail, de la précision, de l'observation chez Marguerite ; vague et poésie chez Armande . Inutile d'ajouter - et nous le disons une fois pour toute - que chacune des fillettes ignrait la rédaction de sa sœur ; elles avaient promis de n'en pas parler entre elles, et je sais qu'on peut se fier complétement à leur parole .

La description d'un objet absent donne lieu aux mêmes différences de description . A cette époque, nous habitions Meudon (Sud-Ouest de Paris, à 35 minutes de la Tour Eiffel) ; et, près de chez nous,il existait une belle maison, toujours inhabitée, et que nous avions souvent visitée . Je demande aux enfants de la décrire .

La narration de Marguerite commence ainsi :

" La maison Lar...

" L'autre jour, je me promenais dans la rue du Départ, lorsqu'une grande affiche accrochée à la grille d'un jardin attira mon attention . Il y avait peu de temps que je connaissait Meudon, et c'était la première fois que je remarquais cet écriteau ; je m'approchai donc, et je vis écrit : Grande maison à vendre ou à louer ; s'adresser : 1° à M.P....,notaire à Meudon ; 2° à M.M...., 23,rue de Rennes, Paris . -
C'était un peu loin, et, comme je suis curieuse, je me dis : si je sonne ici on sera bien forcé d'ouvrir, et si le concierge est accommodant, j'entrerai !
" Je sonne donc,et, au bout d'un petit instant, la porte s'ouvre, quoiqu'il n'y eût personne, on l'ouvrait de la cuisine [ainsi que je le sus plus tard] . J'entrai dans une belle allée, pleine de gravier, bordée d'arbres assez touffus, et de petites roches où croissent des genêts . De chaque côté de la porte, sur une petite hauteur, se trouvaient deux terrasses, la belle allée était au milieu dans une sorte de bas-fond, elle était très droite ; au bout, on voyait un grand et large escalier, et au-dessus une marquise, là encore une sorte de terrasse où donnaient des fenêtres ; c'était la maison... A peine étais-je entrée qu'un petit chien noir arriva en aboyant, d'une voix d'un timbre très clair ; au même instant, un jardinier aux cheveux gris vint auprès de moi, je lui exposai le but de ma visite, il consentit à me faire visiter sa maison . Nous commençâmes par le jardin, il était beau, deux belles pelouses ... etc. " ( l'orthographe du texte est celui transcrit par Binet)

La rédaction se poursuit longuement, avec une exactitude surprenante de description ; elle ne contient que la très légère fiction d'une visite . Aucun détail n'est inventé .

Voici la rédaction d'Armande :

" La maison déserte .

" Imaginez-vous une grande et superbe maison inhabitée que le passant admire lorsqu'il l'aperçoit au fond d'une allée de massifs embaumés . Le jardin est grand et désert ; lorsque le vieux Janvier vient y faire son tour, il n'y trouve jamais que les arbres couverts de neige éblouissante, que les chemins couverts d'hermine blanche ; c'est triste, c'est lugubre ; tout au fond de ce jardin solitaire tremblent les restes d'un vieux portique, sur lequel les corbeaux viennent sinistrement croasser lorsqu'ils n'ont plus rien à faire . C'est mortel de vivre dans cette maison aux fenêtres closes, aux rideaux tirés ; les vieux pianos dorment dans les salons, reposant leur cordes anciennes, les fenêtres ne s'ouvrent plus, tout est usé, rouillé par le temps et surtout l'inaction ; tout respire une odeur âcre de la pièce qu'on n'aère pas . Les vieux fauteuils se regardent tristement comme de vieux camarades habitués à vivre ensemble, ils se regardent de leurs dorures éteintes, et les grandes statues se plaignent amèrement de leur solitude ; il fait froid au dehors, et on ne chauffe pas la maison, qui tremble de douleur ; les chaises s'approchent inutilement de la cheminée jadis flamboyante !
Mais lorsque le printemps vient rayonner, et rendre la vie aux arbres, les lilas fleurissent comme l'aubépine, le soleil mûrit les fruits, les oiseaux gazouillent, la vie renait au sein du jardin qui soupire, avec le zéphyr qui caresse les têtes embaumées des lilas " .

C'est toujours la même différence . Ici, plus de concision, plus de vague, plus d'émotion, plus de poésie .
Si on fait faire aux deux sœurs par écrit le récit d'une promenade, Marguerite donne un récit copieux, bourré de détails exacts, bien observés, et sans grand commentaire . Au contraire, le compte rendu d'Armande reste bien plus incomplet, plus flou, plus émotif et plus interprété . Il nous paraît évident qu'Armande attache moins d'importance au monde extérieur qu'aux émotions qu'elle en tire .

J'ai cherché à multiplier les épreuves pour voir sous toutes leurs faces ces deux attitudes mentales si curieusement opposées [...] " ( à suivre ) .

Le commentaire de l'ensemble de ce texte de Binet sera réalisé dans le troisième avant-propos qui va suivre .

Fidèlement votre, avec tout notre dévouement, Esiobreg , petite sœur de Gerboise .

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