dimanche 6 février 2011

Intelligence* [ entendement, réflexion] et Raison** [ bon sens, discernement] .



INTELLIGENCE

Au temps jadis… comme de nos jours… développer son intelligence, c'était… , c'est… commencer par acquérir ces petits réflexes qui semblent au premier abord si anodins, mais cependant, qui permettent de forger son esprit inexorablement (d'une manière à laquelle on ne peut se soustraire) .

Actuellement, les temps changent ; il en est peut-être autrement : c'est regrettable, triste, mais c'est la seule alternative, résister !

Voici un extrait qui vous situera à une époque révolue : Le départ pour l'école, de Jacques Normand, Les visions sincères, éditions Calmann-Lévy, 1894 .

"" « C'est l'heure de la classe, a dit la mère, en route ! »
Les yeux pleins de sommeil, les petits écoliers
S'habillent à tâtons, mais alors gros souliers ,
Et les voilà partis, grignotant une croûte .

Qu'il fait froid, ce matin ! Les arbres, en déroute*,
Se courbent sous le vent qui cingle les halliers** ;
Et la neige, poudrant les sillons réguliers ,
S'attarde sur la terre et la recouvre toute .

Oui, l'École est bien loin et l'hiver est bien dur !
Marchez, pourtant, marchez d'un pas vaillant et sûr ,
Enfants, vers le Devoir, le Travail, l'Espérance….

Chacun, pour le pays, doit peiner à son tour….
Marchez vers le savoir ; quand vous serez, un jour ,
Humbles petits cerveaux , le cerveau de la France .""

* Courbés sous le vent , les arbres semblent fuir .
**Buissons serrés et touffus .


Ce deuxième extrait : Une école d'autrefois , Ernest Lavisse , Nouveaux discours à des enfants , éditions Armand Colin , vous permettra d'apprécier l'ambiance d'une salle de classe, d'antan (du temps passé)

"" 1- Une des choses qui m' occupent le plus, pendant, mes séjours chez nous (l'auteur s'adresse aux enfants des écoles primaires du Nouvion ,son village natal) , c'est la comparaison,à propos de tout,entre autrefois et aujourd'hui, qui m'est une matière à des réflexions sans fin . Cette comparaison, je n'entreprendrai pas de vous la présenter tout entière ; une journée n'y suffirait pas . D'ailleurs,il faudrait que vous fussiez plus vieux de quelques années pour bien la comprendre. J'en choisirai seulement les traits les plus simples ….

2 - Lorsque furent inaugurées les nouvelles écoles du Nouvion , j'ai parlé de la vieille école où j'ai appris à lire, à écrire et à compter .
C'était une salle unique, éclairée par des fenêtres à petits carreaux, que je n'ai jamais vues ouvertes . Point de plancher ni de carrelage ; nos sabots frottaient la terre nue. Des bancs,mais point de tables .
Nous écrivions sur des planches de chêne, percées en haut par un petit trou où passait une ficelle qui les suspendait, la classe finie,à des clous piqués dans le mur . Ma planche, que je regrette bien d'avoir perdue, avait servi à mon père et à ma grand-mère dans cette même école où nous fûmes tous les trois élèves du même maître, le père Matton , - nô maître .

3 - Il était bien vieux, nô maître, lorsque je deviens son élève en 1847 ou 1848 , je ne sais pas au juste . Sous son bonnet de soie noire,de la chair grise pendait par petits paquets ( des bourrelets de chair recouverts de barbe grise) .
Il était habile à tailler les plumes d'oie dont nous nous servions, car l'usage des plumes métalliques commençait à peine à se répandre dans les campagnes . Ceux de nous qui possédaient une « plume d'acier» en humiliaient les camarades ( ils se croyaient supérieurs à ceux qui n'avaient qu'une plume d'oie , et ces derniers se sentaient rabaissés, humiliés ) .

4- Longuement, nous écrivions des pages, nous ânonnions ( ânonner : lire ou réciter d'une manière pénible et hésitante) des lectures et la table de multiplication, et c'était tout .
Nô maître avez des raisons trop bonnes de ne pas nous en apprendre davantage ( ils n'en savait sans doute pas davantage !eh oui ! ; mais il était " maître en la matière "[contrairement aux professeurs d'école d'aujourd'hui, à l'heure qu'il est ! qui, parfois, répètent, rebattent les oreilles des enfants avec des données d'un programme de licence et même de maîtrise !) . Sa discipline avait des duretés : des coups de baguette sur les doigts joints ensemble , où des séances à genoux, la main droite levée soutenant une brique ( j'ai , moi-même, connu ces sortes de mésaventures ; loin d'être néfastes à mon psychisme, ces soi-disant, prétendus sévices m'ont permis d'acquérir un niveau de langage dont je suis fier actuellement) .

5 - Mais nous connaissions de bons moments : le père Matton , chantre au lutrin , nous quittait quand il y avait messe de mariage ou de mort , et tous les samedi après-midi , -car on chantait alors les vêtres du samedi . Son chant d'octogénaire semblait l'aboiement, péniblement déclenché, d'un chien très vieux . En son absence, sa fille, mademoiselle Adèle, venait s'asseoir dans la classe, où elle épluchait sa salade .
Elle nous surveillait de l'oeil,- c'est bien le cas de le dire, car elle n'en avait qu' un. Pour nous faire tenir tranquilles ,elle promettait aux plus sages des «turons », comme on appelle ici la tige des feuilles de salade . Ces turons de mademoiselle Adèle furent les premières récompenses scolaires que je reçus .

6 - Mais j'ai déjà raconté ces choses, qui doivent vous sembler étranges, à vous,mes enfants,logés dans de belles écoles,et à qui plusieurs maîtres et maîtresses, préparés par de longues études à la fonction d'enseigner, enseignent les éléments de toutes les connaissances humaines . ""

Il est important d'être conscient du fait que c'est ainsi que furent éduqués nos savants,nos médecins,nos écrivains …, tous nos concitoyens jusqu'aux plus modestes,tous les français et leurs héritiers [en particulier que fut développée, magnifiée leur intelligence] , tous ceux qui devinrent, formèrent l' « ossature» de tous les membres de notre société actuelle .




.

* Intelligence : Ce qui permet " aux gens " d'apprendre, de comprendre, de s'adapter . Faculté de connaître, de discerner, de faire preuve de perspicacité . Le contraire d'intelligence, c'est la bêtise, la stupidité .
Fonction mentale d'organisation du réel, en pensées, chez l'être humain; une sorte d'outillage de la réflexion .

Intelligent : qui comprend facilement les choses et s'adapte bien à toutes les situations .

** Raison : c'est ce qui permet de comprendre, de juger, d'agir comme il faut ; d'être lucide .

Faculté naturelle, intellectuelle, par laquelle l'être humain connaît, émet des avis, et se conduit pour nous montrer où sont nos devoirs , l'équité ou la justice et qui nous contraint à éviter l'erreur et à agir d'une certaine manière.
Bon sens : aptitude de l'esprit à juger sainement les choses et le bon sens se rapproche de la raison sous le rapport moral ; il montre davantage de sagesse dans la conduite .
Jugement : c'est la substance de la faculté que possède l'esprit humain de décider qu'il y a convenance ou non entre deux idées ; c'est , en quelque sorte le sens lui-même, mais exercé et développé par la pratique .
Sens des choses, des événements, des êtres vivants : faculté que l'on posssède de percevoir les objets extérieurs et de voir les choses comme elles sont ; c'est également pouvoir reconnaître instinctivement ce qui est bien ou mal, sans impliquer un perfectionnement par l'étude ou par l'exercice .
Certains[ enfants, adultes] font souvent des choses contraires à la raison .
Avoir raison, c'est ne pas se tromper !


RAISON

" La raison est la faculté de saisir la raison des choses " Cournot .




La raison : cette donneuse ... de leçons [ ! ] nécessaires pour notre santé et pour d'autres interactions très nombreuses dans notre vie de tous les jours ; elle seule, peut nous permettre de nous " écarter " de ces manies néfastes, funestes, préjudiciables, nous détourner de ce fléau,tel que le tabac ... ; elle seule, peut - nous faire renoncer aux influences maléfiques de certains milieux et de certaines habitudes, - nous rendre conscients de la nécessité de forger notre entendement en vue d'acquérir la force de développer notre esprit critique et notre capacité à comprendre, à jauger, les informations qui nous parviennent de toutes parts ; elle seule peut nous apprendre à privilégier le " raisonnement " avant d' adopter, de développer des conduites, des comportements litigieux, douteux, à risques, parfois incohérents, odieux, même asociaux ...





Les petits fumeurs, Marc Legrand, L'âme enfantine, éditions Armand Colin, 1927 .



"" Fumer, c'est s'empoisonner lentement .


Au lieu d'apprendre leurs leçons ,
Fumaient quatre petits garçons .
Sur le bureau de leur papa ,
Ils avaient trouvé du tabac .

Chacun,n'ayant pas de papier ,
Avait découpé son cahier .
L'un se brûle avec un charbon
Et dit :« Fumer, c'est vraiment bon !

Le second prend un fier maintien
Et dit : « Ma foi , ça va très bien ! »
Avec des larmes dans les yeux ,
L'autre dit : « C'est délicieux ! »

Le plus petit,crachant,toussant ,
Dit : « Je suis un homme à présent ! »
Le soir,ils se mirent au lit ,
Grelottants et le front pâli .

On les soigna,longtemps,longtemps ;
Ils redevinrent bien portants .
Ils furent sages désormais ,
Il ne fumèrent plus jamais . ""


Voici un paragraphe extrait d'une biographie sur Marcel Proust concernant une histoire vécue:

« Tandis que le docteur Proust se consacrait à sa carrière, le garçonnet faisait l'objet des soins attentifs de sa mère et de sa grand-mère . Ces deux femmes admirables s'étaient donné pour mission d'éveiller en lui les sentiments les plus élevés et les plus délicats, et de développer, d'éveiller son intelligence, qui était vive, précoce, hors du commun, pénétrante .

Madame Nathée Weil, la grand-mère, aimait la musique et la littérature ; elle avait une prédilection pour les chefs-d'oeuvre du XVIIe siècle .
Madame Proust, de son côté, avait étudié avec bonheur le latin et le grec, l'anglais et l'allemand .
Mais leur ambition était surtout former l'âme de l'enfant, et elle lui donnèrent l'exemple des qualités les plus rares ; la noblesse habituelle des sentiments, un dévouement inlassable et une profonde modestie. « Humble de coeur, et si douce… » a écrit Proust, parlant de sa grand-mère… »


En fait, qu'est-ce qu'impliquent "avoir de l'intelligence" et "faire preuve de raison" ?

Ce n'est pas simple, banal .... ce sont des notions " qui sortent de l'ordinaire " !


Je suis certain que vous savez que votre oeil peut " regarder " tout ce qui existe, [et réfléchit la lumière !] ; cependant il ne saurait "se regarder " lui-même [ bien sûr , sans l'aide d'un miroir] .

Un obstacle, une difficulté semblable à celle qui interdit, qui empêche l'oeil de " s'observer " lui-même, s'oppose , va à l'encontre de « l'observation de la raison » . Pour que cela se produise, en effet, il faudrait que la raison puisse réfléchir sur elle-même, ce qui serait très difficile, sinon impossible.

Il est nécessaire cependant d'avoir sur ce point quelques lumières . Essayons de les atteindre, de les aborder, d'accéder aux éléments qui nous permettront de comprendre ce dont il s'agit .

La raison est l'ensemble de toutes les clartés que nous pouvons nous procurer sur les choses et qui nous servent à nous diriger, à nous orienter dans le champ des connaissances . Ces clartés, ces lumières , peuvent être plus ou moins grande : un être humain peut posséder plus ou moins de raison .

Il y a une grande différence entre l'intelligence d'une part et la raison d'autre part . Nous pouvons dire d'un enfant qu'il est intelligent, mais pas raisonnable .

Être intelligent, signifie comprendre avec aisance, saisir les explications, pouvoir suivre un raisonnement, le fonctionnement d'un mécanisme ou le fil d'une démonstration .
Ainsi seriez-vous par exemple, très rapide a parfaitement comprendre quels sont, dans un organisme humain, les effets de l'alcool et quels ravages il y exerce, et en cela, vous vous montreriez intelligent .
Pareillement vous seriez en mesure d'admettre, de concevoir, quels sont dans un cerveau humain les effets pervers de la consommation de drogues et être conscient des dévastations, des désastres que ces pratiques y entraînent : dans ce cas également vous vous montreriez intelligent .

Mais, en absorbant malgré cela ces deux poisons vous prouveriez que vous manquez de raison .
Il y a dans le monde beaucoup plus d'intelligence qu' il n'y a de raison . Et c'est bien pour cela que tant de jeunes adolescents doués d'une belle intelligence, ne réussissent pas à faire une carrière digne d'eux . Une certaine modération, un certain équilibre, de la prudence, du jugement, tout un ensemble de qualités, qui caractérisent un homme raisonnable, leur manquent .

De nombreux élèves, collégiens, lycéens, universitaires, sont doués d'une grande facilité d'intelligence, de mémoire . Ils peuvent apprendre tout ce qu'ils veulent . Ce sont des esprits brillants, parfaitement outillée pour devenir des hommes utiles et bons, à condition qu'il ne négligent pas de cultiver leur raison . Dans le cas contraire, il se peut que leur intelligence, plus vaste et plus cultivée, ne leur serve qu' à commettre de plus grosses bêtises, stupidités et erreurs parfois lourdes de conséquences . Par exemple, si quelqu'un n'accepte pas de vous rendre un service, et que vous vous comportiez de la même façon : c'est parfaitement logique. On profère des injures envers votre personne, vous répondez vous-même par d'autres injures : rien de plus logique. Ce jour un collègue vous refuse son aide, quelques jours après vous lui refuser la vôtre . Tout cela est incontestablement logique : mais est-ce raisonnable ?

Si vous consultez la simple et bonne raison, elle ne vous dira ceci : « Ce que vous faites là était-ce bien ce que vous pouviez faire de plus pratique et de meilleur » ?

Il se peut qu'une chose soit logique, mais quel profit en sortira-t-il pour vous ou pour les autres ? Où cette logique, ensuite, va-t-elle vous conduire ? Ne vaudrait-il pas mieux être un peu moins logique et plus raisonnable ?

Certains individus croient que la raison consiste à raisonner et raisonnent toute la journée . À regarder au fond des choses, de près, ce ne sont cependant que des machines, des systèmes qui tournent à vide . Ils réalisent un travail infructueux, stérile, trompeur, en peine perdue . Se taire et bien employer son temps est préférable .
Raisonner ainsi vous expose à radoter , et pire encore . Il suffit de réfléchir un peu à ces questions pour se persuader que la saine et droite raison est chose rare et précieuse et il n'est pas de trop de toute notre vigilance pour nous y maintenir, ou pour nous y ramener si nous avons quitté ses sentiers .

Monsieur « tout le monde » va s'imaginant qu'on a de la raison, comme on a une tête et des bras, par droit de naissance et que chacun sait en faire usage . L'erreur est grossière, maladroite . Un manchot sachant se servir du seul bras qui lui reste se rendra facilement plus utile qu'un homme qui a deux bras non exercés . S'il est nécessaire de se livrer à un apprentissage patient pour arriver à se servir utilement de ses bras, il est plus nécessaire et plus difficile d'apprendre à se servir de sa raison . De tout ce que l'homme entreprend, le plus malaisé est de penser juste, de juger sainement, de surveiller ses idées, ses désirs, ses sentiments, de discipliner enfin toutes ses forces intérieures qui forment son esprit et déterminent sa conduite .

Chercher avec ardeur ce qui est vrai, se faire une vue nette sur la vie, les choses et les hommes, amasser des renseignements et ensuite se conformer à ce que l'on a reconnu comme le juste, positif, recommandable : voilà qui constitue la vie dans ce qu'elle a de meilleur . C'est de la raison traduite en actes .

Ne nous laissons pas persuader que tendre à s'éclairer plus et à se conformer à la raison nous rende durs, par trop calculateurs, et déracine en nous la bonté . Certes, à ne nous inspirer que de l'intérêt, à peser sans cesse ce qui profite, à ne consulter que ce qui se nomme la froide raison, on descendrait au rang d'une machine à calculer . Mais ce serait précisément déraisonnable parce que ce serait inhumain .

C'est la raison humaine qu'il faut cultiver en nous et non une raison de singe dressé où entrerait plus de ruse que d'esprit large, bienveillant et lumineux . La raison véritable n'est étrangère ni à la conscience, ni au coeur, elle ne mérite même son nom que si une bonne et généreuse chaleur la pénètre . Ne vous laissez pas induire en méfiance contre cette raison là, parce que ni un individu, ni un peuple ne peuvent s'en passer . L'inconséquence, les égarements les plus étranges, les perversions les plus dangereuses sont à craindre le jour où un homme perd sa confiance dans les saines lumières qu'il a reçues pour se diriger dans la vie, et où, sous prétexte que notre savoir est limité, il se résigne à l'ignorance, à la superstition, à l'esclavage .

On ne peut être un homme dans toute la force du terme sans laisser fleurir en soi un esprit fait de fermeté comme de bonté, de clairvoyance comme de tendresse, de réflexion, de conscience délicate et de jugement sain . Toutes ces choses, que vous les appeliez le coeur, la tête, le sens du juste ou l'esprit scientifique, ne sont pas faites pour s'exclure mais pour se soutenir, se corriger, se compléter mutuellement .

La raison consiste à n'opprimer rien de légitime en soi, à ne mutiler aucune de ses facultés, intellectuelles ou morales, afin de tirer de leur fraternelle collaboration à toutes le plus de force et de douceur, le plus de courage et d'expérience, le plus de ressources possible, pour soutenir notre propre vie et celle de nos semblables .

Je vous laisse réfléchir à toutes " ces choses " et essayer d'entrevoir les conséquences de leur présence ou de leur absence .

Egalement d'être capable d'exercer ce pouvoir de discerner la vérité: faculté de connaître le vrai .

Vous pouvez faire des commentaires et poser des questions à la fin de ce billet .

Fidèlement vôtre . Esiobreg .

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire